Tribune « Jonum : pour une régulation qui garantit protection et innovation »

Dans les prochains jours, la représentation nationale s’emparera d’un sujet qui pourrait durablement et profondément bouleverser les équilibres du secteur des jeux d’argent en France et dégrader la protection des joueurs.

Le projet de loi visant à Sécuriser et Réguler l’Espace Numérique (SREN) tel qu’il est examiné par l’Assemblée nationale vise à favoriser le développement du web 3.0, secteur d’activité innovant, ce que nous soutenons.

Cependant, en l’état, ce texte prévoit un cadre difficilement justifiable pour les JONUM (Jeux à Objets Numériques Monétisables). En effet, ce cadre autoriserait les entreprises de JONUM à offrir des gains en cryptomonnaie, de sorte que plus rien ne semble aujourd’hui différencier un jeu d’argent d’un JONUM.

Or, ce statut de JONUM est construit sur des exceptions. Exceptions aux exigences en matière de lutte contre l’addiction et le jeu des mineurs. Exceptions aux obligations de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Exceptions encore concernant la contribution fiscale des entreprises de JONUM aux budgets de la Nation et des territoires dans le contexte économique que nous connaissons.

L’innovation justifie-t-elle de transiger sur les principes qui, au fil des cent cinquante dernières années, ont conduit à la construction du cadre protecteur actuellement applicable aux jeux d’argent, et ainsi de créer une rupture d’égalité devant la loi ?

Nous estimons au contraire que l’adaptation du cadre législatif, compréhensible au regard du potentiel de croissance des JONUM, doit prendre la mesure des risques liés à ces nouveaux jeux, notamment en matière de santé publique.

Les JONUM réunissent toutes les conditions légales des jeux d’argent : un sacrifice financier, une intervention du hasard et une espérance de gain notamment en cryptomonnaies. C’est précisément pour cette raison qu’il est prévu de placer les acteurs de ce nouveau secteur sous la supervision de l’Autorité Nationale des Jeux, le régulateur des jeux d’argent en France.

A défaut d’intégrer les JONUM dans le cadre existant des jeux d’argent, ce qui serait la solution la plus évidente, il est primordial de conserver les garanties qui s’appliquent aux jeux d’argent.

  • Pour éviter que des jeux aujourd’hui illégaux en France se développent au travers des JONUM, il ne faut pas permettre le paiement de gains en cryptomonnaies. L’usage des cryptomonnaies est en effet interdit dans le cadre règlementaire exigeant des jeux d’argent, compte tenu notamment des risques spéculatifs bien connus qui y sont associés.
  • Pour qu’un mineur ne puisse pas se retrouver confronté à une situation encourageant l’addiction, les entreprises de JONUM doivent mettre en place un système d’identification des joueurs afin notamment de vérifier que les joueurs sont majeurs à chaque création de compte et pas seulement au moment du retrait des gains.
  • Pour que les joueurs de JONUM puissent évoluer dans un cadre réellement protecteur, il est nécessaire d’appliquer sans délai les règles anti-blanchiment aux entreprises de JONUM. Attendre dix-huit mois avant de mettre en œuvre ces règles, d’autant plus si les gains des JONUM peuvent être des cryptomonnaies, représente un danger trop important.

Enfin, pour que ces nouveaux jeux puissent contribuer au budget de l’Etat et aux territoires, il est nécessaire que la fiscalité des entreprises de JONUM, inexistante à ce stade du projet de loi, soit établie à un niveau qui permettre de répondre à l’ensemble des enjeux actuels.

Attachés au jeu responsable ainsi qu’au développement d’une industrie française performante, le Syndicat professionnel Casinos de France, l’Association des Casinos Indépendants Français, l’Association Française des Jeux En Ligne et le groupe La Française des Jeux ont alerté les pouvoirs publics.

Ils appellent aujourd’hui la représentation nationale à sécuriser le cadre des JONUM en adoptant une régulation à même de prévenir les risques encourus.

Dans ces conditions seulement, le soutien nécessaire à l’innovation sera réellement combiné à la protection des consommateurs, en particulier des plus fragiles.

Tribune publiée le 5 octobre 2023 dans Les Echos

A propos des signataires :

La filière française des casinos représente 16 000 emplois directs et 45 000 emplois indirects dans les 63 départements où se situent ses 202 établissements de jeu. En 2022, les casinos terrestres ont généré un produit brut des jeux de 2,488 milliards d’euros et 1,390 milliard de recettes fiscales, dont près de 400 millions d’euros au bénéfice de leurs 196 communes d’accueil.

Créée en 2011, l’Association française des jeux en ligne (AFJEL) est la seule association qui représente les opérateurs agréés de jeux en ligne en France. Elle réunit la quasi-intégralité des opérateurs agréés (Betclic, Bwin, Genybet, Joabet, Netbet, PokerStars, Unibet, Vbet, Zebet et Zeturf) afin de promouvoir l’essor d’un secteur éthique, innovant et responsable. En 2022, les opérateurs de jeux en ligne ont représenté 2,177 milliards de produit brut des jeux et 951 millions de recettes fiscales.

L’offre sous droits exclusifs du groupe La Française des Jeux est commercialisée dans plus de 30 000 points de vente répartis dans plus de 11 000 communes françaises. Le Groupe qui emploie directement 2 700 personnes soutient au total 54 800 emplois, dont 21 100 dans les commerces de proximité bar-tabac-presse. En 2022, le Groupe a réalisé un produit brut des jeux de 6,524 milliards d’euros et 4,4 milliards d’euros de recettes fiscales.